Une vingtaine de personnes étaient présentes pour découvrir les mystérieuses tombes rupestres de Ribes, ce samedi 8 juin dernier, avec pour guides Alain et Jacqueline Claudin.

Présentation du secteur de Ribes

Nous partons du haut de Ribes, sur le chemin des Flahuts. Après seulement quelques pas dans la direction des tombes rupestres, nous pouvons admirer le village de Vernon. Dans le creux de la vallée, invisible à nos yeux mais pourtant très proches, se trouvent aussi les tétines de Vernon et la cascade de Baumicou. Les tétines de Vernon sont d’ailleurs un phénomène géologique qui n’a pas encore été expliqué. Elles se sont formées à la faveur de l’érosion, mais on ne sait pas ce qui a permis aux tétines elles-mêmes de s’éroder moins vite que le reste. 

Depuis notre point de vue, nous voyons aussi La Beaume.

En montant le chemin, nous croisons une ouverture dans un mur de pierre, très proche du sol. Elle aurait pu accueillir un bassin rempli par une source, ou serait un espace servant à la conservation de vivre, de par sa fraicheur. 

Le grès est caractéristique du secteur, et ces pierres sont connues pour faire de belles faysses. Ribes a d’ailleurs été labellisé pour ces faysses en 1992. En plus du grès, le secteur est aussi argentifère. Une mine de plomb a notamment longtemps fonctionné à Saint-André-Lachamp, et à Largentière l’exploitation d’argent, de plomb et de zinc s’est arrêtée seulement en 1982, sur un gisement connu depuis le XIIè siècle ! D’autres activités typiques du secteur sont par exemple l’élevage des vers à soie, la viticulture, ou encore l’élevage de chèvres. C’est ainsi qu’en continuant de monter, nous croisons la chèvrerie, appelée « laiterie du serre », car elle au sommet de la colline. On y fait notamment du picodon. Depuis leur étable, les chèvres nous regardent passer, leur curiosité piquée par notre défilé. 

Photo de Magali

Tombes jumelées

Après une montée quelque peu sportive, nous arrivons au bord d’un petit bois de pins, devant deux tombes creusées dans le grès. Elles dateraient au maximum de l’an 1000 à 1300. Elles sont de forme anthropomorphe, avec un emplacement pour la tête bien marqué, comme un coussin, qu’on appelle une logette céphalique. Les tombes sont de forme trapézoïdale, car resserrées au niveau des pieds. Certains archéologues ont considéré que la tombe de droite est plus petite que la tombe de gauche, mais elles sont seulement décalées. Elles ont sinon la même taille, ce qui ne permet pas de confirmer que c’était un homme et une femme côte à côte qui ont été ensevelis ici. Le décalage a cependant déjà été observé chez des gisants, où la femme est placée plus bas que l’homme dans le cas d’un couple.

Les deux tombes sont légèrement penchées vers l’avant, et présentent des rigoles et des trous, pourtant l’une d’entre elles garde un fond d’eau croupie. On pourrait penser que ces rigoles servaient à l’évacuation de l’eau, mais dans un cas, l’eau ne semble pas pouvoir s’en évacuer. Était-ce alors pour apporter de l’eau uniquement ?

Les participants commencent alors à observer de plus près les tombes, à dégager leurs rigoles. Alain en profite pour sortir une échelle d’archéologue à poser à côté des tombes, et un mètre. Il est aidé pour mesurer les tombes, qui font toutes les deux 1m80 au plus haut, et 1m72 et 1m75 au fond pour respectivement la gauche et la droite.

On pourrait penser qu’elles ont été taillées sur mesure pour les défunts qu’elles ont accueilli, mais d’autres tombes similaires en France nous disent le contraire. En effet, on a pu retrouver des restes dans certaines tombes, notamment dans un cimetière rupestre du Gard (à Saint-Nazaire-de-Marissargues), et observer que les défunts étaient installés très serrés dedans, avec les épaules rentrées et les pieds redressés. Ces tombes n’étaient sans doute pas exposées à l’air libre. On a retrouvé dans certains cimetières (comme celui de Saint-Nazaire-de-Marissargues) des dalles les recouvrant, et parfois des blocs monolithiques. On peut aussi imaginer que des matériaux périssables ont pu servir de couvercle, comme du bois. Les corps étaient aussi recouverts de pierres et de terre avant que la dalle ne soit posée.

Elles pouvaient aussi servir plusieurs fois : après quelques années, de nouveaux défunts pouvaient être installés dans ces tombes. Il suffisait de retirer les ossements de l’occupant précédent, de mettre le corps du nouveau défunt, et de le recouvrir des ossements.

L’orientation et l’inclinaison des tombes est aussi notable et sujet à interprétation. Ce type de tombe a le plus souvent les pieds orientés entre l’est et le sud. Dans notre cas, ils sont orientés quasiment plein sud, ce que nos participants apprentis archéologues ont pu vérifier avec des boussoles plus ou moins exactes. Elles font face au paysage, comme par exemple les tombes  de Veyras. Les dolmens sont aussi souvent orientés de cette façon, mais contrairement à eux, il est difficile en pleine ère chrétienne de faire l’hypothèse d’une raison spirituelle à cela. A cette période, l’orientation des églises par exemple est plutôt à l’est selon la croyance en la résurrection.

Recherche du nord à l’aide de trois boussoles différentes; photo de Jacqueline.

Un autre mystère est leur solitude. Ce type de tombe se retrouve normalement en assez importante quantité, formant un cimetière voire une nécropole. Pendant le début de l’ère chrétienne, aux environs du 5è siècle, les nécropoles se trouvaient éloignées des zones d’habitation, mais sur une hauteur visible. Au Xè siècle, les nécropoles étaient d’autant plus courantes, et se trouvaient plus proches des zones habitées. La tendance a ainsi été de les rapprocher des églises. Mais dans le cas de Ribes, et d’autres tombes rupestres d‘Ardèche, on ne retrouve que quelques sépultures disséminées dans la nature, sans que l’on ait aucune explication.

Les tombes ne peuvent pas vraiment être datées, en dehors des indices que donnent leur forme et de la connaissance que nous avons des modes d’inhumation au fil du temps en France. Ainsi, elles ne pourraient pas être antique, puisque les sépultures antiques sont plutôt des dolmens, ou alors creusées dans des galeries. Elles ont évolué en tumulus de pierres juxtaposées par la suite, devenant plus simples à réaliser. Une période d’incinération a ensuite eu lieu (an 100 à 150), puis l’enterrement dans la terre, dans des cercueils de bois ou des sarcophages. L’utilisation de tombes rupestres n’a ainsi repris qu’au IVè siècle, mais s’est tout de même étendu jusqu’au XIè voire XIVè siècle environ. Ce type de tombe peut être observé dans toute la France, même si elles sont plus nombreuses dans le nord.

Nos deux tombes auraient pu chacune être creusées en un ou quelques jours et elles ne sont pas ornées. En dehors des trous et des rigoles, aucun travail supplémentaire de gravure n’est visible, à une période où pourtant des écritures et symboles auraient pu être gravés.

D’autres tombes rupestres solitaires du Moyen-Age peuvent être observées à Mercuer, Ailhon, Sanilhac, Fons, La-Chapelle-sous-Aubenas, Veyras, … La solitude de ces tombes interroge grandement les participants comme les guides, au point de se demander si d’autres tombes ne sont pas présentes sur le site, et n’ont simplement pas encore été découvertes. Légèrement en contrebas des deux tombes, un vieux mur assailli par la végétation présente des blocs de pierre comme poussés contre lui. Serait-ce des sarcophages grossiers ?

Ci-contre, l’un d’entre eux (photo de Jacqueline).

Tombe de Chalède

Après un pique-nique revigorant, nous reprenons un chemin présentant par endroit des pierres diverses. Forts de leur expérience avec les tombes, les participants sont enthousiastes à l’idée de trouver des vestiges par eux-mêmes. Des pierres formant une sorte de rigole dans le chemin les intrigue alors : « Est-ce que ça pourrait être une voie romaine ? ». Le dégagement des pierres est entamé, sans pour autant découvrir une seconde rigole qui confirmerait la présence d’une route ancienne. Mais bientôt, nos participants pourront se mettre un vestige indéniable sous la dent.

Nous arrivons en effet vers la tombe de Chalède, bien cachée au milieu d’arbustes et de buissons. Après avoir observé les tombes jumelées en long, en large et en travers, celle-ci semble très différente. Elle daterait d’entre 800 et 1000. Elle ne présente pas de logette céphalique, et est donc sûrement antérieure aux tombes jumelées (les logettes semblent utilisées plutôt vers la fin de l’époque des tombes rupestres médiévales). Elle est aussi orientée parallèlement à la pente, et son fond est parfaitement à l’horizontal, contrairement aux tombes jumelées qui étaient penchées. Elle présente aussi un trou d’évacuation, qui a après avoir été dégagé par nos participants, semble tout à fait fonctionnel. Enfin, elle est ovale, contrairement à nos tombes trapézoïdales. Cependant, ses dimensions sont très similaires, entre 1m70 et 1m80.

Afin de vérifier qu’elle ne présente pas non plus des gravures, nos participants décident de la dégager de la mousse qui l’a recouverte. Tout ce que nous pouvons alors constater est que son grès est plus grossier, rugueux et grumeleux que celui de nos tombes jumelées. 

Retour au village

Après avoir quitté la tombe de Chalède, nous cheminons à nouveau vers le village, et avons l’occasion de repasser devant le magnifique point de vue que nous avions admiré au départ de la balade. C’est donc sur cette agréable promenade de santé que nous concluons, et qu’Alain nous annonce aussi que c’était, pour Jacqueline et lui, leur dernière balade Paléodécouvertes en tant que guides. Mais cela ne les empêchera pas de venir aux suivantes, et d’écouter avec intérêt les commentaires et récits de nos autres guides de balade !