Balade à Lagorce sur le sentier botanique
Samedi 30 juin 2018 à 14h
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Résumé de la balade
Dernière balade géologique de la basse-saison, avant les visites de carrières en juillet-août, puis la reprise des balades automnales ! À vos agendas, tous les mercredis à 14h, jusqu’au 17 octobre, on démarre avec le volcan du don à Marcols-les-Eaux le mercredi 12 septembre 2018. Ce samedi 30 juin, sous un soleil plus qu’estival, une dizaine de participants s’étaient donnés rendez-vous à Lagorce, plus grande commune d’Ardèche, pour parcourir le sentier botanique, en compagnie du jeune Pierre Gauthier, futur géographe et apprenti naturaliste, qui animait la balade.
Lagorce, place forte protestante
Avant d’entamer le sentier botanique, une petite présentation du patrimoine culturel de Lagorce semblait être primordiale pour le guide ! Lagorce est d’abord la plus vaste des communes de l’Ardèche, avec près de 7 000 ha, dont 65% sont composés de bois, et la majeure partie des pourcentages restants servant à la culture de la vigne et de l’olivier. À 130 km de la mer Méditerranée, le climat est à 100% méditerranéen. Son nom provient du gaulois Gortia, signifiant “haie d’épines” ou “buisson épineux.” Des fouilles dans l’Ibie ont également confirmé la présence de l’homme dans la vallée il y a 40 000 ans.
Lagorce a pendant très longtemps été une place forte protestante, jusqu’au moment où Louis XIII et le cardinal Richelieu, en se rendant à Alès, en juin 1629, s’arrêtèrent et donnèrent l’ordre de prendre la ville et de raser le château de La Gorce, nom détaché datant de 1464. Car oui, Lagorce possédait un château, aujourd’hui en ruine. Le seul château protestant de l’Ardèche encore “intact” est le château des Roure à Labastide-de-Virac, dont le seigneur préféra se convertir au catholicisme plutôt que de sacrifier son château. Le temple de Lagorce fut également détruit, peu de temps après le château, lors des guerres de religion. Il fut l’un des premiers construits dans la région, et également l’un des premiers reconstruits au XIXe siècle. L’église de Lagorce est elle toute particulière car elle résulte de la construction de trois églises, dont la dernière est encore visible. Une première église fut construite au XVIe siècle, détruite pendant les guerres de religion, puis une seconde fut construite au XVIIe siècle, mais trop souvent inondée, puis en 1860, une nouvelle église est construite sur les fondations des églises précédentes. Le clocher en “chapeau d’évêque” est très particulier, tout comme son histoire. Lors des travaux, un procès entre le curé de la paroisse et l’entrepreneur retarda l’achèvement de l’ouvrage. Le manque d’argent et l’impatience des fidèles empêchèrent l’édification du clocher tel que prévu dans les plans.
Mais Lagorce possède également un beffroi, situé sur l’ancienne place de la Dîme. Sa construction remonte à 1240. La place de la Dîme, elle, doit son nom aux deux cuves en pierres (aussi appelées “setiers”) encastrées dans un vieux mur. Elles servaient au paiement de la dîme par les paysans du Moyen Âge. La cloche du beffroi sonne désormais toutes les heures.
Avant de commencer le circuit, petit rappel du guide sur le caractère protégé des espèces que les participants pourraient y croiser. On se situe ici dans une zone Natura 2000, une Réserve Biologique Intégrale, un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope, une ZNIEFF de type I et de type II, et une ZICO : ça en fait des choses protégées à voir et observer !
Des arbres aux milles et unes anecdotes
Le sentier botanique se situe sur des calcaires du Crétacé inférieur, du Bédoulien et du Barrémien (-130 à -113 millions d’années), et de nombreuses espèces y ont apparemment élu domicile.
Côté fleurs, ce n’est pas aussi florissant qu’en avril-mai dans le secteur, mais certaines pointent encore le bout de leur tige : la Mollène bouillon-blanc, le Panicaut champêtre, le Millepertuis perforé, la Grande marguerite, l’Immortelle commune, la Verveine officinale, le Liseron des monts Cantabriques, le Pois vivace, la Campanule agglomérée, la Vergerette maigre, l’Hélianthème nummulaire, le Lin vivace, la Germandrée petit-chêne, l’Ail à tête ronde, la Vipérine commune, et de nombreuses formes d’Euphorbe et de Centaurée, pour les plus remarquables.
Côté arbres, un festival, notamment grâce à la création de ce sentier botanique, présentant de nombreuses espèces avec leurs noms français et latin, à l’aide de petites tablettes tout au long du chemin. Dommage que quelques-unes aient été arrachées, ou que des espèces ne soient plus présentes… Le guide avait fait de nombreuses recherches sur chacune des espèces présentes, afin de présenter quelques anecdotes aux participants courageux et participantes courageuses, qui étaient venus malgré un soleil étouffant. Heureusement, le sentier botanique est majoritairement à l’ombre et ventilé ! Les marcheurs habitués à la géologie avaient ce jour-ci enfilé leur chapeau de botaniste. Et qu’est-ce qu’on croise sur ce sentier alors ? Pas moins de 46 espèces d’arbres, d’arbustes, d’arbrisseaux et de plantes caractéristiques de la région méditerranéenne.
Saviez-vous que les jeunes pousses de Fragon, aussi appelé Petit houx, se consomment en salade, comme l’Asperge sauvage, aussi présente sur le sentier botanique ? Qu’on reconnaît l’Ajonc du Genêt, par ses piquants, d’où le nom de Genêt épineux, ou Genêt scorpion ? Que les fruits de l’arbre à fraises, ou Arbousier, s’utilisent en marmelades ou confitures, liqueurs, miel, et que les fruits et les fleurs poussent en même temps, sur le même rameau ? Mais aussi que l’Ailante, espèce invasive, a été introduite pour la sériciculture, avec le Bombyx de l’Ailante, au XIXe siècle et qu’elle peut soigner l’épilepsie, l’asthme et la calvitie ? Qu’une plante mellifère est une plante qui produit une bonne quantité et qualité de nectar et de pollen, comme la toxique Cytise faux-ébénier, la Badasse, le Robinier faux-acacia, ou le Chèvrefeuille d’Étrurie ? Que le Lierre n’est pas vraiment un “bourreau des arbres”, car un mutualisme se crée entre le Lierre et l’arbre support, son cycle phénologique n’a en effet pas lieu en même temps que l’arbre support, la floraison en septembre-octobre pour les abeilles, et la fructification en février pour les oiseaux, des périodes souvent creuses pour la faune des forêts ? Que la térébenthine de Chio provient de l’île grecque de Chios, où poussent de nombreux Pistachier térébinthe, comme ici à Lagorce ? Que Napoléon se servait du Pin noir d’Autriche pour construire les mâts de ces bateaux ? Que la Salsepareille ne vient pas du dicton “Les chasseurs fatigués déterraient sa racine et la mangeaient, trouvant ainsi l’énergie pour chasser pareil.” mais de l’espagnol zarzaparilla ? Et ce n’est pas tout, que le Genévrier oxycèdre, ou Cade, s’utilise comme arbre de mariage et de Noël dans le Massif Central, le Gard et l’Aveyron ? Que l’Alisier est très bon pour traiter les coliques, comme son nom latin l’indique Sorbus torminalis, le latin torminalis signifiant “bon pour les coliques” ? Que le plus célèbre objet conçu en bois de Houx est la canne de marche de Goethe ? Que la pollinisation du Buis s’effectue grâce aux fourmis, et qu’un de ces composés chimiques a été retrouvé dans certains cépages de sauvignon ? Que la culture de Sarriette des montagnes, plante soi-disant aphrodisiaque, était interdite dans les monastères à cause du possible effet sur la libido des moines ? Qu’il s’agit de la Lavande aspic qu’on utilise pour élaborer le baume du tigre ? Qu’en Aquitaine, l’industrie autour du Pin maritime emploient autant de personnes que l’industrie autour de la vigne ? Qu’un port en colonne d’un Cyprès toujours-vert caractérise une espèce femelle, tandis que l’espèce mâle aura davantage un port pyramidal ? Ou que le Laurier-sauce dominait les côtes méditerranéennes avant la fameuse crise messinienne il y a 6 millions d’années, que les Romains couronnaient les vainqueurs, les “lauréats”, de couronnes de laurier, et que le mot “baccalauréat” vient de bacca laurea, signifiant “baie de laurier” ? Et enfin, que le premier spécimen de Mûrier blanc au Jardin des Tuileries avait été apporté par un certain Olivier de Serres en 1601 ? Des anecdotes comme s’il en pleuvait !
Le sentier botanique permet également de distinguer les trois espèces de Chêne présentes dans le sous-bois, le Chêne pubescent (Quercus pubescens), qui tire son nom des petits poils blancs sous ses feuilles, le Chêne kermès (Quercus coccifera), qui tire son nom de la cochenille (Kermes vermilio) qui niche sous les petites feuilles du chêne, et servait autrefois aux teintures rouges, et le Chêne vert (Quercus ilex), qui tire son nom du Houx, avec ses petites feuilles aux piquants. Comme quoi les noms latins sont parfois très utiles !
Le sentier botanique a notamment la particularité de passer par la chapelle Notre-Dame d’Adjude, située à côté d’un imposant Cèdre de l’Altas, qu’on repère facilement depuis le village. La date de construction de cette chapelle demeure un mystère, bien que mentionnée au XIVe siècle, la date sur le fronton de la porte, 1776, serait plutôt liée à sa reconstruction ou restauration… Adjude signifie d’ailleurs “aide” en patois.
Et c’est après une belle et chaude après-midi, sous le chant des cigales, que tous les participants et le guide Pierre Gauthier ont retrouvé leur voiture, après trois heures de balade et de partage. Parce que c’est aussi ça les balades en Ardèche de Paléodécouvertes, de bons moments ensemble où chacun apporte sa pierre à l’édifice pour connaître un peu plus le monde qui nous entoure, le faire connaître pour mieux le protéger.
Témoignage de Pierre Gauthier
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