Pour cette balade organisée en partenariat avec le PNR des Monts d’Ardèche, nous étions accompagnés par Bernard Riou au maar d’Echamps et à la carrière des Molines. La balade était ouverte à tous, et nous avons été rejoints par de nombreux curieux tout aussi intéressés que les adhérents de l’association d’en apprendre plus sur ce site géologique exceptionnel.
Le volcan d’Eschamp
Après une introduction décrivant la notion de géosite dans le contexte du Géoparc ainsi que l’association et ses missions, Bernard Riou nous a emmenés sur le site du volcan d’Echamps, qui est aujourd’hui difficile à deviner dans le paysage.
Le volcan d’Echamps, daté d’entre 150 et 200 000 ans, est récent en Ardèche, où la plupart datent du Miocène (entre 10 et 7 millions d’années), notamment dans le massif du Coiron. Dans la région, le volcanisme est en fait lié à la tectonique des plaques. Un bref rappel de l’histoire géologique du territoire est présenté. Tout d’abord la formation de la chaîne Varisque (Chaîne Hercynienne) a lieu il y a 300 millions d’années, et est la conséquence du choc de deux plaques tectoniques entre elles : l’Eurasia et le Gondwana, qui formeront ensemble la Pangée. Par le passé, il y avait déjà eu au moins un continent unique, puis une division des continents : c’est en fait un cycle permanent. La chaîne Hercynienne connaît ensuite une forte érosion au carbonifère. Au jurassique moyen, toute la région (et même toute la France sauf la Bretagne) se trouvait immergée. Il y a donc 160 millions d’années, l’Ardèche se trouvait entre 200 et 700 m de profondeur. Par la suite, le niveau de la mer a baissé, et les Alpes se sont formées suite à la collision des plaques de l’Afrique et de l’Eurasie. Cette collision provoque donc du volcanisme.
Le plus ancien maar connu se trouve dans l’Allier et a 60 millions d’années. Le plus grand volcan, lui, est dans le Cantal, et c’est celui avec lequel tout commence. Il y a environ 12 à 15 millions d’années, des volcans se forment en Ardèche, et donnent les coulées de Saint Clément, le Gerbier, le Gouléïou (petit Gerbier)…
Mais qu’est-ce qu’un maar ? Pour le savoir, nous devons nous intéresser aux différents types de volcans.
Types de volcans
On peut parler des volcans en terme de couleur pour leur type d’éruption. Le gerbier est par exemple un volcan gris, mais qui n’a pas eu de vraie éruption: il est juste resté sous forme de protrusion. Il est cependant du même type que le volcan de Saint Helens, qui en 1980, a fait 57 morts en explosant très violemment, ou encore que le Vésuve qui a brûlé des villes entières avec ses pluies de cendre. Ces volcans, qu’on appelle aussi explosifs, sont donc les plus dangereux. En raison de la remontée d’un magma très pâteux, leur cône explose très violemment, et projette des pluies ardentes qui brûlent tout ce qui se trouve autour d’eux. Leur nom vient de leur rejet de débris majoritairement gris.
Un type de volcan moins dangereux est alors le volcan rouge, ou strombolien. Ce sont les volcans qui ont des effusions et font des coulées de lave, d’où leur nom de rouge. Cette lave peut alors être détournée grâce à des barrages. Ils connaissent aussi des explosions, qui rejettent des débris qu’on appelle bombe volcanique, et qui forment une roche qu’on nomme pouzzolane. Ces volcans forment leur cône en quelques jours avec leurs effusions. En Ardèche, il en existe de nombreux exemples, tous monogéniques, c’est-à-dire qu’ils ont eu une seule éruption (comme le volcan de Jaujac, d’Aizac, le Souihol…)
Enfin, une dernière sorte de volcan regroupe les phréatomagmatiques. Ils se forment quand du magma, en remontant vers la surface, rencontre une nappe phréatique. Le volcan en formation se transforme alors en une véritable cocotte minute dont l’ouverture serait bouchée. Ce type de volcan, s’il n’a pas de geyser lui permettant de réduire sa pression, peut alors provoquer une série d’explosions très rapprochées et violentes, et donc d’importantes retombées de débris.
Sur le chemin que nous suivons se trouvent des débris, des bombes, et de la pouzzolane. La pouzzolane indique que nous nous trouvons sur les bords du volcan. Plus elle est rouge, et plus nous nous rapprochons du centre, où le fer qu’elle contient est plus oxydé. Nous arrivons devant des friches et des prairies, où la végétation nous empêche de voir ce que Bernard nous décrit : à cet endroit se trouvent d’anciennes coulées de lave, aujourd’hui du basalte.
En Ardèche, on a surtout des volcans stromboliens et phréatomagmatiques. Les éruptions stromboliennes sont rapides. Elles consistent en des émissions de magma, qui forment un cône, une explosion et la projection de bombes, puis soit la formation d’un lac de lave ou le lâchage de lave sur le côté du cône par une ouverture (on dit que le volcan est égueulé, comme celui de Jaujac).
Une éruption phréatomagmatique, où du magma rencontre de l’eau souterraine, provoque des explosions spectaculaires, qui arrachent les parois de la cheminée volcanique. Un nuage peut alors se former, et monter jusqu’à 20 km de hauteur. C’est exactement ce qui s’est passé avec le volcan islandais Eyjafjallajökull, qui a bloqué en 2010 le trafic aérien, à cause notamment des microparticules qu’il a rejeté dans l’atmosphère. Dans un maar, qui est en fait la même chose mais sous forme d’un lac de lave, les explosions peuvent alors être successives et provoquer aussi de nombreuses retombées. Des coulées de lave peuvent aussi avoir lieu, formant par la suite du basalte.
Notre maar d’Eschamp a égueulé et a fait ce genre de coulée. Après une phase calme du maar l’activité a pris fin par un bref épisode strombolien (alternance de projections et de coulées) à l’origine de quelques petits cônes installés au pourtour du maar. Le débordement du lac de lave par le volcan d’Echamps a alimenté une coulée dont on retrouve quelques lambeaux dans la vallée de l’Azette, à Bois Lantal, Chanéac….
Or, le basalte est une véritable passoire, et garde bien l’eau. Le maar renferme donc aujourd’hui une importante nappe phréatique, un réservoir qui est l’origine des sources des Molines. Ce réservoir est si important qu’il permet aux sources d’avoir le plus gros débit moyen de tout le département, et qui est quasi constant toute l’année.
Des éruptions dessinées par les premiers ardéchois ?
Le secteur où nous nous trouvons comprend de nombreux maar. Celui de Borée est cependant le plus ancien de la zone, avec ses 130 000 ans estimés. Les autres datent plutôt d’il y a 80 000 ans. D’autres sont encore plus récents, comme ceux de Jaujac et Thueyts qui datent d’entre 15 000 et 40 000 ans.
Tous ces volcans sont donc contemporains d’humains comme Sapiens, Néandertaliens et pré Néandertaliens (des traces de néandertaliens datant d’au moins 300 000 ans ont par exemple été retrouvées dans la grotte de Payre à Rompon). Il est d’ailleurs suggéré que des représentations d’éruptions soient présentes dans la grotte de Chauvet, puisque des gerbes ressemblant à des effusions de magma y ont été dessinées, mais cette hypothèse est débattue. De plus, nous ne connaissons pas précisément l’âge de nos volcans, et celui-ci fait souvent l’objet de discussions. Le volcan de Jaujac a par exemple été daté grâce à des morceaux de bois incendiés par son éruption, et donc grâce à la technique du carbone 14. Cette datation est cependant discutée, mais un consensus se fait sur le fait que le volcan lui-même s’est formé il y a entre 15 et 25 000 ans.
Chasse au trésors à la carrière
La carrière des Molines, où nous nous rendons, se trouve sur les bords du cratère. La roche exploitée est composée des projections du volcan : des bombes, des blocs arrachés à la cheminée du volcan… On produit du sable et des graviers de ces anciens débris, qui sont majoritairement granitiques. Ce site est classé à l’inventaire national, ce qui signifie que son exploitation est suivie, et que quand elle sera finie, le site sera maintenu pour pouvoir être étudié et vu par des visiteurs.
Grâce à une autorisation exceptionnelle obtenue par Bernard auprès de la direction de la carrière Delmonico Dorel, nous pouvons y entrer, à condition de rester éloignés de ses impressionnantes falaises de débris fins. Nous pouvons aussi fouiller un tas de roches destinées à produire du gravier, dans lequel on trouve de nombreux morceaux de granite, mais aussi des bombes volcaniques.
On fouille donc ici la structure interne du volcan, et quelques-uns de ses débris. Nous pouvons y trouver de la péridotite, morceau du manteau terrestre arraché par la lave au moment des éruptions et donc incluse dans du basalte. Nous les trouvons aussi sous forme de bombe, c’est-à-dire des blocs de basalte renfermant ces inclusions de péridotite. Pour savoir si une bombe contient bien de la péridotite, il faut la soupeser (et surtout avoir une bonne idée du poids qu’elle devrait faire si elle n’était faite que de basalte). C’est ainsi que Bernard saisit une bombe, et nous certifie que celle-ci contient de la péridotite. Il la casse en deux, et dedans, c’est bien la fameuse roche verte, avec ses minuscules cristaux verts d’olivine, qui lui donnent son aspect caractéristique. Bernard se saisit d’une autre bombe, et cette fois-ci annonce en la soupçonnant qu’elle contient de l’obsidienne. Quelle n’est pas notre surprise, quand il la casse, de bel et bien voir apparaître la pierre noire et vitreuse !
Parmi les découvertes, nos participants repartent ainsi avec de la péridotite, de l’obsidienne, mais aussi des pierres présentant de belles feuilles de micas, ou encore des colorations bien particulières.