Le samedi 27 avril dernier, l’association Paléodécouvertes organisait une balade sur le site des Balmes de Montbrun, commentée par Caroline Fitte pour l’histoire, et Bernard Riou pour la géologie. Une vingtaine de personnes ont répondu présentes, dont M. Crozier, le maire de la commune sur laquelle se trouve ce site exceptionnel : Saint-Gineys-en-Coiron.


Les origines géologiques du lieu

Les balmes, ou “grottes” en occitan, sont des habitats troglodytes médiévaux qui ont été creusés dans une roche particulière, la pouzzolane, formée principalement par de la lave. Il y a entre 10 et 7 millions d’années, le secteur du Coiron était fortement volcanique, et on compte aujourd’hui une soixantaine de points d’émissions de lave datant de cette époque. Le volcan de Saint-Gineys était strombolien, c’est-à-dire qu’il a rejeté de la lave, dont on peut encore voir les coulées aujourd’hui, ainsi que des débris lors de son éruption. 

Aujourd’hui, ces débris et coulées forment des roches volcaniques, en particulier une roche rouge à noire appelée pouzzolane, présente sur tout le site. Le site des balmes se trouve donc dans le cratère d’un ancien volcan, et ses falaises sont ce qui reste de sa lave et de ses débris.

Si ces volcans sont aujourd’hui les monts du paysage du Coiron, les reliefs présents avant leur apparition étaient leur inverse. Des collines de marnes et de calcaires, formées par des dépôts d’une mer qui s’est retirée il y a 100 millions d’années, dominaient le paysage. Les coulées et les débris de lave des volcans apparaissant ensuite ont recouvert une partie de ces roches, mais celles laissées à l’air libre se sont rapidement érodées, et la roche volcanique, moins friable, a formé des monts.

Notre visite du site commence par la descente, depuis le plateau du Coiron, vers le cratère. Sur le chemin, Bernard Riou nous montre des débris d’éruption strombolienne, ou bombes volcaniques. Ce sont de grosses pierres bosselées et couvertes de lichen, qui cachent leur vraie couleur. Mais le sol, lui, est brun-rouge, témoignant bien de l’origine de cette pierre. Incluse dans la pouzzolane, on peut aussi trouver de la péridotite, une roche composant le manteau terrestre et arrachée par la lave lors de l’éruption.


Un castrum classique

Nous arrivons à un premier point de vue surplombant le cratère, d’où Caroline Fitte nous présente le côté historique du site.

Il s’agit d’un des sites les plus aboutis en termes de troglodytisme médiéval au niveau du Massif Central et ses alentours. C’est un castrum, ou site castral, c’est-à-dire qu’il comporte un château, un village et une chapelle, et non, par exemple, uniquement un château comme c’est le cas d’un castellum. 

L’emplacement de ce village est particulièrement stratégique, étant donné que le site n’est accessible que par l’ouest, au niveau du plateau du Coiron. Il a bénéficié de remparts bâtis par ses habitants, mais aussi naturels grâce aux falaises du cratère. 

La plus ancienne mention du site date de 1160, quand l’évêque de Viviers Raymond fait mention de l’exonération du village de la taxe sur le sel. On sait donc qu’au XIIè siècle, le château était déjà établi. Il a ensuite été à nouveau mentionné au XIIIè siècle, et cette fois les textes évoquent bel et bien un castrum. 

Sur le site, quarante-cinq habitations ont pu être identifiées. En considérant que chaque habitation pouvait accueillir quatre à six personnes, on peut estimer le nombre d’habitants à entre 180 et 260 maximum. Cependant, en raison du manque de vestige autre que la roche volcanique creusée, il n’est pas possible d’estimer la date d’abandon du village, ni même les périodes auxquelles les différentes parties du village ont été créées et habitées. D’après M. le maire, une personne seule vivait encore dans ce village dans les années 1900, avant de l’abandonner bientôt. 

Le point où nous nous trouvons est censé être face au château, dont il ne reste que quelques ruines aujourd’hui : il ne peut donc plus être aperçu de là où nous nous tenons. Cependant, sur le côté gauche du point de vue, il est possible de voir deux habitations troglodytes à étage : c’est une partie du côté sud du village. Le village est en effet réparti sur deux flancs intérieurs du cirque volcanique, qui se font face. Le château se trouve sur le promontoire formé par le cirque, directement au-dessus des habitations nord, creusées dans une haute falaise. Sur le côté sud, les maisons sont seulement de deux à trois étages maximum et sont plus étalées.


La chapelle

La petite chapelle est le premier bâtiment troglodyte que nous rencontrons en descendant. Elle a en fait été creusée à l’extérieur du village, de l’autre côté du promontoire du château dans lequel a été creusée la partie nord du village. 

L’intérieur de la chapelle est composé d’une nef et d’un petit transept sud. Le transept nord est seulement esquissé et n’a jamais été creusé. Le plafond est taillé en forme de voûte en berceau, et complété par une façade en bâti, avec un petit toît de tuile, qui datent du XIXè siècle. Une façade plus ancienne et donnant plus de longueur à la nef de la chapelle a sans doute existé, étant donné que la voûte continue à l’extérieur de la façade actuelle. 


Le château

Après la chapelle, nous remontons le long d’une des falaises du cirque, pour nous retrouver entre deux hauts murs de pierre. Nous sommes dans le fossé du château, qui occupe le sommet du cirque volcanique, à plus de 30 mètres de hauteur. Ce fossé a été creusé dans le seul petit passage qui permettait de rejoindre le château depuis le plateau du Coiron. Un pont de bois devait permettre de le traverser, et si on cherche bien, on peut encore voir dans les murs les entailles creusées pour placer les poutres qui devaient le soutenir. 

Le château, en ruine, n’est plus composé que de quelques pans de murs ainsi que deux importantes case-encoches (des espaces creusés dans la roche et ayant servi d’habitats). Il devait présenter un donjon ainsi qu’un logis seigneurial, sans doute modestes. 


La partie Sud du village

En descendant du fossé, nous nous rendons vers les habitations que nous avons pu voir depuis le premier point de vue au-dessus du château. 

Là, les habitats sont soit creusés dans des pinacles qui ont été évidés, soit formés d’une case-encoche qui devait être complétée de bâti en matériaux périssables, étant donné qu’on ne les retrouve pas aujourd’hui. On peut imaginer donc des murs et des toits en bois, et éventuellement en tuiles, dont on retrouve des éclats au sol. Des traces de mortier sont aussi visibles sur certaines falaises, mais aucun reste de maçonnerie n’a été retrouvé, ce qui exclut l’utilisation de murs en pierre. Les case-encoche de ce côté sont remarquables car particulièrement profondes et imposantes. Avec l’humidité du printemps de cette année, le fond de certaines sont couverts de mousses, de lichens, et de plantes vivaces telles que le nombril de vénus et la capillaire. L’intérieur de ces maisons est particulièrement intéressant, car il peut présenter des cheminées, des espaces pour des escaliers, des bancs ou encore les rainures d’un placard, creusées dans la roche.


La partie Nord du village

Une fois arrivés au bout de la partie sud, apparaît la partie nord lui faisant face. Les case-encoches sont bien visibles, mais on peut estimer qu’un pan de falaise maintenant effondré devait les recouvrir en partie. Elles sont plus resserrées que celles du côté sud, et s’empilent pour certaines sur cinq étages. Comme dans la partie sud, elles devaient être complétées de façades, de toîts et de murs en matériaux périssables. 

Après avoir admiré cette vue spectaculaire, nous nous rendons du côté nord du village. La falaise est à pic, et la visite des case-encoches doit se faire par endroit avec prudence, car le chemin n’est pas large. Une trentaine de constructions troglodytes est encore conservée à cet endroit, et le travail effectué sur ces habitats semble plus fin et soigné que du côté sud : les murs sont bien droits et la roche travaillée de façon à être lisse, sans doute parce qu’elle restait apparente dans les maisons. 

Sous ces habitats superposés se trouve le four banal du village. Il tire son nom du droit de ban, une taxe à payer au seigneur pour faire cuire son pain. Le four banal était un lieu convivial, où les habitants se retrouvaient et parlaient des nouvelles et des soucis du village pendant que leur pain cuisait. L’alcôve du four est toujours visible, avec sa pierre brûlée. Il était notamment pourvu d’une arrivée d’air percée de l’autre côté de la roche, permettant une meilleure combustion et l’évacuation de la fumée.


Le centre du village et son verger

Dans ce qui semble aujourd’hui être un fossé boisé étaient aussi présentes des constructions, quatre ou cinq, mais dont on ne peut pas apercevoir les restes, à part une case-encoche un peu plus haut. Elles devaient entourer le ruisseau, et avaient sans doute des fonctions pastorales. Le pied de la falaise devait être une prairie où les villageois faisaient paître les animaux, et des cultures essentielles à la vie du village. Un peu plus haut que le fond de ce fossé, on retrouve aussi un verger comportant encore des arbres fruitiers, comme des poiriers et des cognassiers. Nous le traversons afin de remonter, jetant un dernier coup d’œil, à chaque point de vue, à ces majestueuses demeures médiévales. 


Prochains événements

La prochaine balade aura lieu le 11 mai, à Réauville et Valaurie, dans la Drôme. Pour plus d’information, et pour lire le dernier compte-rendu publié, cliquez sur les boutons :


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