Samedi 6 avril dernier, 25 personnes étaient au rendez-vous pour faire un petit tour du Neck de Sceautres, formation géologique remarquable dans le secteur du Coiron. Nous étions accompagnés de Bernard Riou, paléontologue et membre de l’association, qui nous offrit une balade riche en information.
Les origines géologiques du Neck de Sceautres
La balade débutait en bas du village, où Bernard Riou nous invita tout d’abord à observer le muret à côté de lui : sa pierre est noire, mais parsemée d’inclusions verdâtres ; c’est de la péridotite, des morceaux du manteau terrestre arrachés par la lave lors d’éruptions, et qui s’est ainsi intégrée à la roche basaltique. Le site regorge donc des signes des éruptions de l’ancien volcan de Sceautres.
Bernard Riou nous présenta ensuite le massif rocheux que nous allions voir : c’est un neck, c’est-à-dire de la roche volcanique témoignant de la présence d’une cheminée de volcan ou d’un lac de lave à cet endroit, usé par l’érosion. D’autres formations rocheuses, que nous verrions par la suite, ont aussi été évoquées : les dykes. Les dykes sont des murs de roche volcanique, formés par de la lave s’écoulant dans les fissures d’autres roches. Après des milliers d’années d’érosion, ces roches comme le calcaire et la marne se sont érodées et laissent apparaître les structures de roche volcanique.
Le volcan de Sceautres a ainsi eu plusieurs éruptions provoquant des coulées de lave, encore visibles notamment sur la colline face au village, mais aussi de projections de lave et de débris. Ce type d’éruption est nommée strombolienne, et des débris de ces éruptions sont aussi toujours visibles aujourd’hui. Toute cette période d’éruption du volcan était la plus intense aux environs de 7 millions d’années, mais les débuts de la phase volcanique en Ardèche remontent à environ 10 millions d’années. Dans cette période, sur tout le secteur du Coiron étaient présents une soixantaine de volcans, qui ont eu de nombreuses éruptions successives. Le basalte en résultant a d’ailleurs été exploité sur le secteur à Aubignas et Saint Jean le Centenier par la société Basaltine pour la fabrication de bordures de trottoir.
La présence de volcans entre 10 et 7 millions d’années est expliquée par la tectonique des plaques. Avant les volcans, il y a environ 120 millions d’années, au Crétacé, l’Ardèche était sous la mer. Cela a favorisé le dépôt d’argile et de calcaire, formant au fur et à mesure du temps de nouvelles couches géologiques. Puis, bien plus tard suite à la dérive des continents les Alpes se sont formées, entraînant un soulèvement du plateau calcaire et d’importantes failles du socle à l’origine de l’importante activité volcanique au Cénozoïque dans la région.
Descente vers la rivière Téoulemale
La balade commença après ces premières explications, et une fois le chemin descendant du village vers le ruisseau entamé, nous avons pu observer le profil du neck, et ses orgues impressionnants. Ces orgues sont caractéristiques d’un refroidissement rapide de la lave. Les orgues se forment par rétraction de la lave en fin de refroidissement. Il y a alors diminution de volume liée à la solidification totale de la coulée. La forme géométrique des orgues traduit au mieux la répartition des déformations et le relâchement des contraintes de retrait. C’est pourquoi les prismes volcaniques sont hexagonaux (c’est le même phénomène pour la rétraction de l’argile). Bernard Riou nous fit alors remarquer qu’avec sa taille imposante, ce neck est le plus grand d’Europe.
Un peu plus loin, dans un virage du petit chemin bucolique, une vue se dégageait sur un grand mur de pierre, droit et comportant des marques faisant penser à des pierres de taille. Mais c’est bien une formation naturelle : nous étions devant un des fameux dykes présents sur le site.
En descendant encore le long du chemin, nous avons rejoint le ruisseau et sa ripisylve. Une ripisylve est une zone boisée au bord d’une rivière, et a une grande importance dans l’écosystème. En effet, les arbres maintiennent les berges et les préservent de l’érosion, mais contribuent aussi à refroidir et humidifier le lieu grâce à leur ombre et à leur transpiration. La rivière est alors plus propice à acceuillir une faune diversifiée, et à être plus saine. Les ripisylves constituent ainsi à la fois des morceaux de trame verte et de trame bleue, des réseaux d’espaces naturels terrestres et aquatiques permettant à la faune de circuler. Au bord de l’eau, nous pouvons donc voir des frênes, des cerisiers sainte Lucie, des saules, et un magnifique aulne poussant presque au milieu même de la rivière. Au bord de la rivière sont aussi tombés des morceaux d’orgue, dont nous pouvions alors observer les longs tubes côtelés.
Retour au village
Nous avons ensuite quitté la rivière pour monter le long du neck. Nous sommes arrivés à l’arrière de la formation rocheuse, quand nous remarquons un étrange motif dans les orgues : ils se séparent et partent dans deux directions opposées. Bernard Riou nous expliqua alors qu’un obstacle devait se trouver dans le chemin de la lave, et l’a forcée à refroidir avec cette forme.
En montant, nous nous sommes rapprochés des orgues mais aussi d’un dyke formant un mur autour de la base du neck. Nous pouvions aussi observer sur le chemin en limite du basalte des roches issues des projections du volcan strombolien avec quelques bombes volcaniques.
Nous sommes ensuite arrivés en vue des habitations du haut du village, et notamment des derniers murs de l’ancien château. Sa pierre, la pouzzolane, est noire aux accents de rouge, et réhaussée par des giroflées des murailles semées par le vent. Avant de rentrer dans le village, nous avons croisé un poirier sauvage, mais aussi des plantes introduites comme l’arbre de judée, le mimosa, et le figuier de barbarie, ce dernier, invasif, s’étant répandu sur une bonne partie du chemin. Enfin, en redescendant dans le village, nous avons croisé la montée permettant de se rendre au sommet du neck, alors entamée par les plus sportifs du groupe, pour finir la balade en admirant une vue imprenable.
Prochains événements
La prochaine balade aura lieu le 27 avril, aux Balmes de Montbrun (à Saint-Gineis-en-Coiron). En attendant, n’hésitez pas aussi à venir au week-end associatif dans le Diois, le samedi 20 et le dimanche 21, et regardez régulièrement votre boîte mail pour pouvoir vous inscrire à tous ces événements !